1990

Paul Bloas s'enferme

Un mois pour repeupler Pontaniou

Depuis hier après-midi, jusqu'au 15 Aout (10h normalement), le peintre de l'éphémère, Paul Bloas, va rester enfermé dans la prison de Pontaniou. Un mois sans sortir et sans voir personne. Un mois pour peupler les murs de ses personnages de rencontre. Ce projet, pensé de longue date, s'insère dans un travail sur quatre villes en B: Brest, Berlin, Budapest, Belgrade.

Article: OUEST - FRANCE

Hier matin, à Recouvrance, Paul Bloas s'installe dans sa nouvelle résidence. La cour de Pontaniou avec son parterre de fleurs, serait presqu'accueillante sous le soleil. Mais à l'intérieur, c'est toujours aussi sombre et moche, avec les murs moisis et cette odeur bizarre qui persiste. Quelques moments forts attendent donc Paul Bloas, qui tente là une expérience pour le moins « originale »  . Enfermement, création et cogitation. Tout ça en un mois.

Celui qui a déjà essaimé ses silhouettes énigmatiques dans tout Brest, a choisi cette fois la vieille prison. Il a donc apporté frigo et mini-four, et installé ses quartiers au dernier étage. Dans deux anciens logements de fonction. Un coin habitation, un coin atelier. Tous les deux jours, un traiteur lui livrera ses repas. Avec sa télé et la radio, ce seront là ses uniques relations avec l'extérieur. «J'al aussi apporté un tas de bouquins... des livres de Jean Genet » Et le reste du temps, ce sera travail : peinture, vidéo (« Plutôt des notes qu'un film ») et photos.

Mais les Brestois vont être déçus. Ils ne pourront pas voir l'oeuvre avant 1992, quand l'ensemble de son travail sera achevé. Après Belgrade, restera Berlin et Budapest, en mai l'année prochaine. Et sl la prison est alors ouverte aux visites, les personnages de Paul Bloas, peints sur papier et collés sur les murs, auront pris un coup de vieux. « ils auront alors le même état de délabrement que Pontanlou. »

Paul Bloas:

Le chien était trop petit

— Quel projet pour Pontaniou ?

« Je vais traiter l'espace sous forme allégorique, en réalisant une série de personnages collés dans la prison. Des personnages qui vivent là. Une cellule, la cuisine... Chaque espace sera une mise en scène. »

— Votre emploi du temps ?

» Tout sera travail d'improvisation. J'apporte simplement le matériel, puis je ferme les portes. A ce moment là, Je verrai. Je me suis fixé huit heures par peinture. Je travaillerai surtout la nuit, parce que c'est mon habitude. Plus exactement, le commencerai vers 16 h, pour concilier l'énergie diurne et nocturne. »

— Un travail sur l'enfermement ?.

« Non, pas forcément. D'ailleurs, quand on regarde les oeuvres des détenus, Il ne s'agit pas de l'enfermement, mais plutôt de voyage, de l'évasion. L'an dernier, j’ai rencontré régulièrement les détenus de Pontaniou. Et l'ai travaillé sur leur visuel. Par exemple, l'un d'eux m'a raconté qu'en sortant de la visite au luge, il avait l'impression d'être pris dans du granit. J'ai fait plusieurs croquis, il me les a fait corrigés. C'est aussi tout ce travail sur leur visuel que je vais réaliser maintenant. Et ce sera l'occasion d'une remise en question de tout ce que j’ai fait jusqu'à présent »

— Et le chien qui devait vous accompagner ?

Oul, J'aurais bien aimé. Mes personnages sont toujours comme vus par un chien d'en dessous. Je l'aurais laissé aller dans la prison, là où il se serait arrêté, j'aurais peint. Mais Je voulais un chien indépendant. J'en avais trouvé un qui me plaisait, mais il était trop petit. »

 

Propos recueillis par Emmanuelle METIVIER. (OUEST FRANCE)

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